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Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

Le Sénat a examiné en séance publique, le PLFSS pour 2024, du 13 au 17 novembre 2023, avec un vote sur l’ensemble du texte le 21 novembre 2023. Sur le fond, concernant la branche famille, il convient de noter deux articles ajoutés par l’Assemblée nationale et les débats au Sénat.

Actualité législative

Le Sénat a examiné en séance publique, le PLFSS pour 2024, du 13 au 17 novembre 2023, avec un vote sur l’ensemble du texte le 21 novembre 2023.

Sur le fond, concernant la branche famille, il convient de noter les deux articles ajoutés par l’Assemblée nationale et les débats au Sénat sur ces deux articles :

ð L’article 46 ter, inséré par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, vise à apporter plusieurs modifications à la réforme du CMG dit « emploi direct » adoptée en LFSS pour 2023. En outre, cet article propose de reporter de deux ans l’entrée en vigueur du tiers payant pour les bénéficiaires du CMG dit « structure ».

Sur cet article, qui n’a pu faire l’objet d’aucune consultation, ni de débats lors de l’examen du texte par les députés, l’Unaf est donc intervenue en urgence auprès des sénateurs avec l’argumentaire suivant :

Un point d’importance pour les familles nécessite d’attirer l’attention des parlementaires sur cet article : il s’agit des conséquences de la mesure de déplafonnement de la rémunération versée aux assistants maternelles et salariés à domicile pour augmenter le bénéfice du CMG aux familles aujourd’hui exclues.

Si cette mesure semble aller dans le bon sens pour le bénéfice du CMG d’un plus grand nombre de familles, la conséquence directe en est une augmentation du reste à charge pour les familles comme cela a été noté dans le rapport du Sénat.

Mais au-delà de ce premier argument, trois autres sont à souligner pour retirer cette mesure du PLFSS pour 2024.

Ce plafond constitue un argument crucial, un point de repère pour les familles lors des négociations salariales avec les assistants maternels. Dans le même ordre d’idée, une telle évolution ouvrirait la porte à d’importantes augmentations tarifaires, en particulier dans les zones tendues et en MAM (des tarifs libres pourraient se rapprocher de ceux appliqués en micro-crèche Paje). Il est à redouter des effets inflationnistes majeurs que cette mesure pourrait engendrer.

En conclusion de ce premier argument, ce déplafonnement va donc à l’encontre de l’objectif premier de la réforme adoptée dans la LFSS de 2023, qui est de réduire les restes à charge et d’harmoniser les coûts entre les différents modes d’accueil.

Deuxième argument, ce déplafonnement serait selon le ministère une contrepartie à la suppression de la modulation de prise en charge sur les horaires atypiques. En effet, actuellement, il existe une majoration de 10% du CMG pour les heures en horaires atypiques afin d’aider les familles à payer le surcoût tarifaire appliqué par les assistants maternels. Certes, cet article maintient le CMG, même si l’assistant maternel applique un tarif horaire supérieur au plafond, mais le surcoût dû aux horaires atypiques restera entièrement à la charge des parents. C’est une perte sèche d’un avantage bénéficiant jusqu’alors aux familles.

Enfin, troisième argument complémentaire d’ordre de bonne gestion des fonds des publics : fixer un prix maximum de l’accueil fait partie des dispositifs couramment utilisés, et recommandés par l’OCDE, pour qu’il reste abordable pour les familles et faire aussi que les aides publiques ne soient pas « capturées » par les opérateurs. Notons que même, les micro-crèches Paje ont un tarif maximum à respecter.

Le Sénat a adopté deux amendements à cet article 46 ter : un premier maintient la modulation de 10% de la prise en charge pour les horaires atypiques de garde. En revanche, il n’a pas donné suite à la demande de suppression de l’article 46 ter. Un second amendement avance de 2026 à 2025 l’entrée en vigueur du tiers payant pour le CMG structure.

ð L’article 46 quater prévoit que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant le bilan de la mise en œuvre de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), et ses effets, notamment sur le recours au congé parental, dans sa version modifiée notamment par la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, et sur son partage entre les parents. Ce rapport peut étudier l’hypothèse d’une réforme de l’indemnisation du congé parental au cours de la première année de l’enfant, afin qu’il soit mieux rémunéré, qu’il soit partagé entre les parents et qu’il ne contribue pas à éloigner les parents de l’emploi.

Le Sénat a retiré cet article du PLFSS 2024. A noter toutefois dans les débats les interventions suivantes :

« Mme Aurore Bergé, ministre. J’ai lu le rapport du Sénat et, dès ma nomination, je me suis exprimée sur la nécessité d’une refonte du congé parental ; j’ai même annoncé la création pour 2025 d’un nouveau congé, le congé familial, en sorte de donner de la visibilité aux familles quant à ce nouveau droit qui leur serait accordé, qui est aussi une nouvelle liberté.

Dans le cadre des concertations avec les organisations syndicales et patronales, j’ai également soulevé la question de la coexistence potentielle entre le congé parental, d’une durée longue, actuellement peu indemnisé, et un véritable congé familial, qui garantirait aux parents un libre choix pendant plusieurs mois, doté d’un niveau d’indemnisation nettement plus élevé et attractif destiné à éviter que les familles ne renoncent à cette possibilité nouvelle.

J’entends bien que le Sénat n’aime pas les demandes de rapport, mais celle-ci correspond à une requête assez unanime de vos collègues députés. L’adoption de cet article constituerait de surcroît un signal favorable à l’accélération de la réforme. Celle-ci me semble pouvoir faire consensus, ici comme – je l’espère – à l’Assemblée nationale, s’agissant de créer un nouveau droit et une nouvelle liberté pour les familles.

Je voudrais éviter qu’un rejet de cette demande de rapport donne le sentiment qu’existe à ce sujet un désaccord de fond. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur : nous devons travailler ensemble à la refonte du congé parental, voire, surtout, à la création de ce nouveau droit que serait le congé familial. À défaut d’un tel retrait, le Gouvernement émettrait un avis défavorable sur ces amendements. »

« Mme Laurence Rossignol. Je suppose que la demande de rapport votée à l’Assemblée nationale était une manière pour les députés de discuter de la réforme que vous avez évoquée, madame la ministre. Il n’y a pas d’autres moyens, pour aborder certains sujets à l’occasion de l’examen du PLFSS, que de demander des rapports.

En fait de demandes de rapport, nos collègues députés ont de la chance : il arrive que l’Assemblée nationale en adopte ! Voilà un sujet sur lequel nous pouvons les envier…

Faut-il que nous adoptions cet article ? La question est assez secondaire. Le Sénat a déjà publié un rapport, que vous connaissez, madame la ministre.

Vous vous êtes avancée à propos d’une réforme dont, pour ma part, j’approuve absolument le principe, comme, me semble-t-il, Olivier Henno ou notre ancienne collègue sénatrice Michelle Meunier. La PreParE, qui répartit le congé entre les parents selon la règle des « deux tiers, un tiers », ne doit pas être maintenue, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il faut rétablir l’ancienne version de cette prestation : tout cela ne produit rien et la prestation, même aménagée, demeure une trappe à pauvreté et à exclusion du marché du travail.

Madame la ministre, je crois comprendre que vous voulez réduire la durée de versement de la PreParE : vous souhaitez qu’elle atteigne un niveau suffisamment élevé et attractif pour que les familles, c’est-à-dire les deux parents, qu’il y ait ou non un papa et une maman, y aient recours.

J’attire simplement votre attention sur un point : en aurez-vous les moyens ? Le dispositif que vous voulez promouvoir va coûter beaucoup plus cher que l’actuelle PreParE. En ce qui me concerne, si vous vous engagez dans cette voie, celle d’une indemnisation proportionnelle au salaire et sous plafond, je vous soutiendrai. »

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